« La ministre Turtelboom veut autoriser le taser à certains policiers locaux »[1] titrait le Soir du 21 octobre 2010. Le Taser et le Flash-ball sont des armes dites « non létales ». Cela signifie que théoriquement ces armes sont conçues pour ne pas tuer. Elles seraient une alternative aux armes à feu selon la ministre et les fabricants. Lorsqu’on y regarde de plus près, la réalité est beaucoup moins angélique. Derrière le silence assourdissant des politiques sur la proposition de la ministre, la seule intervention vient du député SP.A Bruno Tuybens qui ne s’oppose pas au fond du projet mais qui demande de légiférer pour mieux encadrer l’utilisation du taser. Il demande de limiter les décharges à 5 secondes et d’en limiter le nombre. La ministre répondra dans le même registre en disant que l’utilisation de cette arme ne se fera  que par les unités spéciales d’assistance et que ceux-ci seront obligés de suivre une formation à l’utilisation du taser. La ministre vient d’ouvrir la boîte de Pandore. L’utilisation des armes dites non létales par la police ne devient donc plus une question politique mais juste une question technique et de bonne gestion.

            Nous considérons, contrairement à une majorité de politiques, que le sujet est politique. Nous comptons bien l’imposer dans le débat jusqu’au retrait de ces armes des mains de la police.

  • Le TaserCes armes ont déjà causé beaucoup trop de morts et de blessés graves à travers le monde.
  •  Ces armes ne sont pas utilisées comme alternative à l’arme à feu mais bien dans des interventions où l’arme à feu n’aurait jamais été utilisée.
  •  Elles ne font qu’augmenter les tensions qu’il y a dans une manifestation ou une intervention.
  • Ces armes ne répondent absolument pas aux enjeux de notre société pour vivre dans une société pacifiée.

Une arme mortelle et une forme de torture selon l’ONU

policier-taser-maxppp-930620-30.11_scalewidth_630 Le Taser est un pistolet à impulsion à décharges électriques. Celui-ci inflige à la personne qui en est victime un électrochoc de 50.000 volts qui paralyse  instantanément la personne touchée. La victime est paralysée durant quelques secondes et s’écroule par terre. Selon Amnesty International[2], le nombre total de personnes mortes après qu’un taser ait été utilisé s’élève à 351 personnes entre 2001 à 2009 juste pour les Etats-Unis. Amnesty rappelle que dans les milliers de personnes « tasérisées », certains sont plus à risque que d’autres, comme les personnes ayant des problèmes cardiaques, les épileptiques, les toxicomanes etc… Évidemment il est impossible pour un policier dans une intervention de connaître le dossier médical de la personnes qu’il arrête. Il est donc impossible de dire que le taser ne fera plus de victime. Sans oublier que cette arme peut aussi provoquer des blessures par électrodes mais aussi dues aux conséquences de la chute. (chiffre)

            Le Comité contre la torture de l’ONU va plus loin et s’inquiète de l’utilisation de plus en plus fréquente du taser par les Etats, affirmant que «  l’usage de ces armes peut provoquer une douleur aigüe, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, il peut même causer la mort »[3]. Dans de nombreux pays, des ONG et certaines organisations politiques se sont opposées à la mise en place des tasers dans les commissariats. La société SMP Technologies (l’importateur et distributeur du Taser en France)  contre-attaque en demandant un droit de réponse dans le journal Libération suite à un article paru le 26 mars 2007 intitulé « 212 décès par Taser aux États-Unis »[4].

Taser protège son image de marque envers et contre tout

            En juillet 2007, la société SPM va plus loin et attaque en justice l’association « Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme » (RAID-H), Amnesty International et Olivier Besancenot (porte parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire) pour diffamation et dénigrement pour avoir répété que les pistolets Taser avaient « déjà causé des dizaines de morts aux États-Unis » [5]. Un an plus tard, c’est au tour de Martine Aubry (Premiére secrétaire du Parti Socialiste) à qui SPM envoie deux huissiers lui remettant une « sommation lui donnant un délai de quarante-huit heures pour « justifier les noms des 290 victimes dont elle a parlé ». (…) Si elle ne donne pas les noms, nous l’attaquerons pour diffamation ou pour dénigrement de produit »[6]. Pourtant, en mars 2008, Amnesty gagne son procès contre Taser. Le 27 octobre 2008, Taser perd son procès contre l’association RAID-H et le 24 novembre de la même année, l’importateur français a été débouté dans son action en diffamation contre Besancenot.

            Les sociétés privées qui vendent de telles armes n’ont aucune limite: ils continuent à faire des bénéfices sur le dos de notre société et des victimes de leurs armes. Il faut absolument que la marque Taser préserve son image de marque pour continuer à vendre aux Etats et pour cela, la société est prête à attaquer tous ceux qui pourraient ternir cette image. Antoine di Zazzo, le patron de SMP Technologies/Taser France a même été jusqu’à engager des détectives privés pour plus de 21 000 euros afin d’espionner la famille d’Olivier Besancenot. Ils ont organisé des filatures, des vérifications sur son patrimoine, etc[7]; la société d’espionnage ayant été jusqu’à corrompre des fonctionnaires, des agents de police, etc….[8] Cet exemple montre bien les enjeux colossaux et le coût exorbitant de ces armes mortelles et inutiles.

Le taser n’est pas une alternative et crée encore plus de tensions

Depuis que le taser est entre les mains de la police, de trop nombreux exemples montrent que ceux-ci les utilisent de manière disproportionnée. On prétend que le taser doit être utilisé dans la légitime défense ou encore lorsque, dans une interpellation, on utilisait auparavant l’arme à feu. La réalité montre le contraire: le taser est utilisé par la police comme une facilité pour arrêter et faire taire des citoyens.

Exemples de « Légitime défense » …

            En 2005, à Lyon, Virginie Barriel, étudiante, est « taserisée » à plusieurs reprises lors d’une manifestation par des policiers alors qu’elle était maîtrisée.[9] En 2006, aux Etats-Unis, une femme de 56 ans en chaise roulante meurt après 10 chocs électriques, son décès étant qualifié d’homicide par la justice[10]. En septembre 2n interpellation violente sera regardée par plus de 2,6 millions de personnes. En mars 2008, une fillette de 11 ans ayant des difficultés scolaires a reçu des décharges de taser par la police pou avoir bousculé des tables et des chaises[11]. Le 23 mars 2009, un adolescent de 15 ans meurt après avoir reçu plusieurs décharges de taser alors qu’il n’avait aucune arme en sa possession et se trouvait debout devant la police, les mains le long du corps[12]. Le 30 novembre 2010, un malien de 54 ans va mourir après avoir reçu deux décharges lors de son expulsion[13]. Des cas similaires, nous en avons recueillis des dizaines, voire des centaines à travers des témoignages du monde entier (voir annexe).007, un étudiant américain intervient lors d’un débat à l’université de Floride en posant une question sur les Skull and Bones. Il sera immédiatement interpelé par la police et, alors qu’il était au sol, il recevra de nombreuses décharges électriques. La vidéo de so

            Comme le dit très bien Amnesty International, le problème du taser est qu’il favorise par nature les abus. « Basée notamment sur les résultats de 98 autopsies, l’étude conduite par Amnesty International montre que 90% des personnes qui sont mortes après avoir été touchées par un pistolet Taser étaient désarmées. Beaucoup ne constituaient pas de toute évidence une menace dangereuse. »[14] Il est donc clair que le taser n’est pas effectivement utilisé comme alternative à l’arme à feu. Il est utilisé dans des cas qui ne nécessitaient pas l’usage d’armes à feu et, de ce fait, abusivement.

            Ces armes, en plus de ne pas être une alternative, favorisent plutôt les tensions lorsqu’elles sont utilisées. Lorsque des policiers visent des manifestants ou des jeunes lors d’un contrôle d’identité dans un quartier avec des tasers, il est normal que la population se sente alors attaquée et menacée et cela crée des tensions. Un agent de quartier ne va pas être perçu et accepté par la population de la même manière s’il porte sur lui des armes. L’utilisation du taser ne pourra que faire augmenter les dérives et l’utilisation de la violence par la police. Selon le dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), des détenus de la prison de Bruges et d’Andenne ont été victimes de mauvais traitements par l’utilisation du taser, alors qu’ils ne représentaient aucune « menace sérieuse et immédiate à l’intégrité physique ou à la vie. »[15]

Flash ball,

flash-ball_super-proc’est un lanceur de balles de défense. Il en existe différents types. Au départ, le flash ball s’est développé sur le marché principalement pour des particuliers. Il était alors en plastique jaune, avec de grosses balles en caoutchouc. Ce premier modèle n’a pas vraiment eu de succès. Mais les forces de l’ordre ont commencé à s’y intéresser et ont demandé au producteur de lui donner une forme plus agressive. On remplace le plastique par du métal, le jaune par le noir, les balles sont plus rigides et d’un plus petit diamètre, avec une force de frappe deux fois plus importante que le flash ball pour particuliers. Lors des émeutes de Villiers-le-Bel (France) en 2007, le modèle va encore évoluer vers plus d’agressivité. On l’appelle le « Lanceur 40 », qui utilise des projectiles non sphériques. La puissance de tir passe de 10 mètres à 25-50 mètres pour ce dernier prototype. Aujourd’hui, il existe différentes nouvelles balles. Il y a entre autre des balles qui explosent en recouvrant de peinture ou de craie la personne qui a été touchée. Cela permet évidemment d’arrêter des manifestants par exemple après la manifestation. Il existe aussi certaines balles qui s’ouvrent en vol pour libérer une série de plus petits projectiles.
Certains corps de police en Belgique seraient intéressés par l’utilisation du Flash ball[16]. Le Flash ball est une arme dite « non létale »

Flash ball, arme non létale?

Nous pouvons déja identifier ici une contradiction dans le discours tenu par les lobbying qui affirment que cette arme permet à la police l’auto-défense contre un agresseur. On voit bien qu’ici, l’objectif est de disperser les foules et le risque de toucher des zones dangereuses comme le visage augmente fortement.

D’après les hommes politiques, le fabriquant et les policiers, le flash ball serait une arme ne provoquant pas la mort. En France, le premier homme à être mort à cause d’un tir de flash ball est un quadragénaire marseillais[17]. D’après l’autopsie, l’homme serait décédé d’un œdème pulmonaire, provoqué par l’arrêt cardiaque, lui-même causé par le tir d’un flash ball en plein thorax.

Flash ball, alternative à l’arme à feu?

            Cette arme est déjà utilisée dans un certain nombre de pays, comme la France et les Etats-Unis. Elle a fait moins de victimes que le taser, par contre elle a entraîné « de graves blessures sur au moins sept personnes depuis que son utilisation a été généralisée »[18] entre 2002 et 2010 selon le journal Le Monde et une personne est décédée[19]. Les politiques français ont tenté d’être rassurants par rapport à l’utilisation du fash ball en établissant une législation « stricte » quant à son utilisation. Il est par exemple interdit de viser la zone génitale et au-dessus des épaules. De plus, les tirs à courte distance sont interdits.

            Cependant, la réalité du terrain montre l’inutilité d’une telle législation. Lorsque des policiers sont interrogés, ils se défendent en disant que le manifestant n’étant pas une cible fixe, des accidents pouvaient survenir. Il est évident qu’un argument pareil ne tient pas la route lorsqu’on sait que le producteur du flash ball lui-même reconnaît que la précision de

tir présente une marge d’erreur de 60 centimètres. L’émission « Spécial Investigation » du 18 octobre 2010[20] montre que, lors d’un entraînement obligatoire pour les policiers, l’instructeur valide des tirs qui se font dans les zones interdites, alors même que la cible est fixe.

            Alors que la Commission nationale de déontologie de la sécurité a mis en évidence en 2003[21] le fait que l’utilisation du flash ball à moins de 10 mètres peut causer des lésions graves irréversibles, voire mortelles, les policiers font fi de cet avertissement. Ils menacent et tirent sur des victimes parfois à moins de 2 mètres d’eux[22].

            Joan Celsis[23], étudiant toulousain de 25 ans, lors d’une manifestation sur le pouvoir d’achat, participe à une action symbolique et bloque l’entrée du Monoprix. Les CRS les délogent, les manifestants repartent calmement en groupe. C’est lorsqu’ils se seront éloignés de quelques mètres qu’on entend 5 tirs de Flash ball. Joan Celsis s’écroule, l’arcade sourcilière ouverte. Il perdra l’usage de son œil droit. Deux ans plus tard, malgré la plainte contre X auprès du procureur de la république pour « violence volontaire avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique, ayant entrainé une mutilation », aucun responsable n’a été désigné.

            Pierre Douillard[24], lycéen de 17 ans, lors d’une action sur le campus de Nantes, se fait tirer dessus par un policier cagoulé avec un flash ball « Lanceur 40 » alors qu’il se trouvait à 9 mètres de lui. De plus, dans la vidéo reprise par la presse, on voit clairement les policiers tirer alors que les étudiants fuient et se dispersent. Pierre a, lui aussi, perdu l’usage de son œil droit. Aujourd’hui, le policier a avoué avoir touché la tête mais utilise l’excuse habituelle de la mobilité de la personne. « Le parquet de Nantes a requis un non-lieu pour le policier auteur du tir, jugeant qu’il avait agi de façon non-disproportionnée et dans un état de «légitime défense». »[25]

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Nous voyons bien que le flash ball n’est pas du tout utilisé comme alternative aux armes à feu mais rentre dans l’arsenal policier de la dérive sécuritaire. Ces armes ont pour objectif le contrôle et la dispersion des foules. En effet, le flash ball n’est pas simplement utilisé pour lutter contre les mouvements sociaux, on voit qu’il est également utilisé pour disperser les foules lors d’événements festifs par exemple[26]. Clément, jeune parisien, participe à une soirée pendant les fêtes de la musique. La police décide de disperser la foule à minuit et commence à lui tirer dessus. Clément est touché et a la mâchoire brisée. On a aussi observé des cas d’utilisation du flash ball dans des rixes de quartiers ou de petites altercations. Nordine[27], 27 ans, a été touché alors qu’il tentait de calmer des jeunes. Il a eu la joue perforée et la mâchoire brisée, alors que le flash ball est supposé éviter toute pénétration sur un individu selon le fabriquant.

            Comme nous le savons, nous sommes dans une situation politique de plus en plus tendue, avec des risques d’émeutes, de mouvements sociaux et d’actions collectives. Le gouvernement français a décidé de tenir un discours stigmatisant à l’égard des résistances sociales. Lorsque, aujourd’hui, Mme Tutleboom décide de mettre le taser e

ntre les mains des policiers belges et que certaines corps de police affirment être intéressés également par l’utilisation du flash ball, nous pouvons craindre l’escalade de la violence.

D’autres exemples…[28]

 

 14 octobre 2010: Geoffrey, 16 ans, manifeste contre la réforme des retraites devant un lycée à Montreuil. Il est grièvement blessé à l’œil par un tir lors d’affrontements avec la police.

8 juillet 2009: Joachim Gatti, réalisateur de films de 34 ans, participe à une manifestation de soutien à des squatteurs d’une clinique désaffectée à Montreuil. Lors d’échauffourées avec les forces de l’ordre, il essuie un tir de flash-ball et perd un œil.

9 mai 2009: A Villiers-le-Bel, dans la cité du Val-d’Oise, des affrontements opposent des groupes de jeunes et la police. Deux hommes de 21 et 31 ans, qui assurent ne pas y avoir participé, reçoivent des tirs de flash-ball et perdent chacun un œil.

1er mai 2009: Samir Ait Amara, 18 ans, est atteint à la tête par un tir de flash-ball à Neuilly-sur-Marne. Hospitalisé dans la foulée, le jeune homme souffre d’un important traumatisme à l’oreille, accompagné d’étourdissements et de nausées.

30 octobre 2006: Jiade, 16 ans, est blessé à l’œil et hospitalisé, à la suite d’une altercation avec la police à Clichy-sous-Bois. Selon la police, le jeune homme a été touché par le flash-ball après des incidents avec des policiers, qui intervenaient après des sapeurs-pompiers dans une cité HLM. Le père de l’adolescent, lui, affirme qu’un policier a tiré sur le visage de son fils à bout portant alors que ce dernier rentrait chez lui.

           


[1]   http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-10-21/la-ministre-turtelboom-veut-autoriser-le-taser-a-certains-policiers-locaux-799395.php

[9]   http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/12/16/01016-20081216ARTFIG00365–la-police-municipale-ne-devrait-pas-avoir-de-taser-.php

[11] http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/usa-safety-tasers-questioned-death-toll-hits-334-mark-20081216

[12] http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/us-teenager-killed-police-taser-attack-20090323

[13] http://lci.tf1.fr/france/faits-divers/2010-12/deces-apres-taser-information-judiciaire-pour-homicide-involontaire-6197629.html

[14] http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/usa-safety-tasers-questioned-death-toll-hits-334-mark-20081216

[15] http://www.cpt.coe.int/documents/bel/2010-24-inf-fra.htm

[18] http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/12/13/l-homme-blesse-par-un-tir-de-flash-ball-succombe-a-ses-blessures_1452653_3224.html

[20] Special Investigation: « Attention: Flash ball », lundi 18 octobre 2010, Canal +

[22] Special Investigation: « Attention: Flash ball », lundi 18 octobre 2010, Canal +

[26] Special Investigation: « Attention: Flash ball », lundi 18 octobre 2010, Canal +