(texte de l’intervention de la campagne lors du meeting du 28 novembre)

1. Qu’est-ce que le système des amendes administratives Communales (SAC)

« Il interdit de faire peur aux gens »… A Lokeren, cet extrait du règlement communal de police peut donner lieu à une amende administrative allant jusqu’à 250 €. Faire peur aux gens… mais qu’est ce que ca veut dire: ouvrir sa porte brusquement et saisir les gens qui passent dans la rue, ou bien porter un masque « scream » ? Cet exemple met bien en évidence ce que le système des sanctions administratives communales (SAC) signifie.

Le système des SAC permet sanctionner par des amendes les gens qui ne respectent pas le règlement de la commune. En fait cela peut porter sur un peut tout pour peu que ce soit repris dans le règlement communal (activités en rue, manifestations,…). L’astuce, c’est que cette sanction est attribuée en dehors du système judiciaire et qu’elle n’obéit donc pas aux mêmes règles d’indépendance, de transparence et protection de droits de chacun.

En effet, qui décide de ce qui fait « peur aux gens » ? C’est un fonctionnaire communal (un agent de police, un gardien de parc, un agent de prévention, …) qui constate que vous avez fait peur à quelqu’un. Il transmet le procès verbal au fonctionnaire sanctionnateur. Ce fonctionnaire est spécialement payé par la commune pour envoyer des amendes administratives. C’est lui qui décidera au final de combien vous devrez payer. Vous dépendez donc de son jugement arbitraire. C’est d’autant plus vrai qu’il y a pas d’appel prévu devant une autre autorité. C’est donc un système dangereux parce qu’il met gravement en danger nos droits fondamentaux.

2. Lutter pour nos droits fondamentaux face à un système absurde et arbitraire

Les SAC sont problématiques à plusieurs niveaux. D’abord, ce système frappe d’abord les plus précarisés, ceux qui dépendent de l’espace public pour leur vie sociale, …. Ainsi, à Ixelles (une des communes test pour le système), les amendes pour les petites incivilités ont augmenté de 4000 unités! On constate donc bien qu’avec la crise, les amendes organisent une attaque extrêmement cynique sur les populations déjà le plus durement touché.

Ensuite, le système est très opaque et ne garantit donc pas la transparence et l’égalité de traitement. En effet, le fonctionnaire sanctionnateur est, dans la plupart des cas, libre d’attribuer à deux personnes des amendes différentes pour le même fait et que le montant de cette amende n’est jamais public. Il est donc impossible de comparer pour voir si on est traité de la même façon que son voisin.

Un autre problème est l’absence de recours et d’accès à la défense. On ne respecte donc pas les droits de la défense qui existent pour préserver la population de l’arbitraire du pouvoir.

Un dernier argument mis en avant est que le système ne respecte pas la séparation des pouvoirs. En effet, la commune décide de la règle, constate et sanctionne. Mais qui contrôle le travail de la commune ?

Ce que l’on constate c’est que les SAC permettent essentiellement deux choses. Premièrement la criminalisation et le harcèlement des jeunes. C’est surtout en Flandre que l’on constate, pour l’instant, l’utilisation du système dans cette optique. Ainsi, à Hasselt, « il est interdit de déranger les gens ». On crée donc des situations dans lesquelles on va traiter le jeune comme un criminel.

On l’a dit, cette mesure s’appliquera essentiellement à ceux qui dépendent de la rue pour leur vie sociale. Pour ceux-là on rentre dans une dynamique de harcèlement, où on utilise un système injuste et arbitraire pour les repousser hors de l’espace public. Au delà des problèmes évidents, on peut déjà prévoir que loin de remplir son objectif de « lutte contre l’incivilité », ce système ne fera qu’augmenter les frustrations et l’agressivité.

La deuxième grande utilisation du système des SAC est la criminalisation des mouvements sociaux. De plus en plus ces amendes sont réellement utilisées comme des outils de répression politique. On pense par exemple aux militants (de la JOC notamment) qui se sont mobilisés en juin dernier pour dénoncer une manifestation d’extrême droite. Ils ont non seulement été tabassés par la police mais ils ont reçu la menace d’une amende de 250€.

Le militant qui reçoit une amende de 250€, bientôt 350 (¼ du salaire moyen), hésitera par la suite à ce risquer dans des actions de désobéissance civile ou de contestation. Dans les faits, il s’agit donc bien d’un outil de criminalisation de l’action politique et sociale.

C’est clair ce système est plus une partie du problème qu’une solution. Il alimente les cycles de l’exclusion et de la frustration. Il divise et frappe les plus faibles. Il met aussi en danger les droits les plus fondamentaux de tous les citoyens. Il faut donc combattre ce système.

3. On peut gagner.

Un article flamand titrait : tout le monde est contre les SAC sauf le gouvernement. Tout le monde sait que ce système pose plus de problèmes que ce qu’il apporte de solutions. L’existence même du système des SAC est un aveu d’impuissance du gouvernement. Il se révèle incapable d’aborder les problèmes socioéconomiques de la population. Devant leur échec, ils préfèrent prendre une mauvaise mesure pour montrer qu’ils font quelque chose même si c’est inapproprié. Puisqu’ils sont incapables de fournir un système de social et une justice qui garantissent une société harmonieuse et libre à la population ils choisissent un chemin dangereux. Celui de la solution facile, de l’arbitraire et du court circuitage des droits les plus fondamentaux.

Nous pouvons gagner cette lutte parce que nous pouvons retourner le système contre eux. A Ixelles, il y a eu 6000 amendes. Si ces 6000 plaintes sont contestées et finissent au tribunal, le court circuitage du système judiciaire sera un échec…

Pour gagner ceci, il faut être capable de réunir les plaintes, de refuser d’être traités comme des individus, il faut collectiviser la question et organiser tout ceux qui reçoivent des amendes. C’est à travers un large panel d’actions collectives que nous pourrons organiser la résistance. Nous avons commencé à recueillir les amendes, et nous entamons un processus de mobilisation dans les communes les plus affectées : à travers des coups médiatiques et des manifestation massives. Il ne faut pas non plus négliger l’aspect juridique, nous avons pris contact avec un avocat et nous organisons une caisse de solidarité afin de pouvoir affronter les frais de justice. Une contestation comme celle-là demande surtout de l’organisation et de la mise en réseau de tous ceux et celles qui sont touchés par ce problème.