Souriez, vous êtes fichés!

La campagne STOP-repression appelle toutes et tous à se joindre à la manifestation du 9 juin(ici) 2012 contre le projet ACTA. Ce projet introduit et renforce toutes les mesures de fichage et de surveillance sur internet et pose de graves menaces sur les libertés fondamentales même en dehors de la sphère virtuelle. Dans le cadre de l’axe de campagne STOP au fichage généralisé, il est tout naturel que la Campagne STOP-répression se joigne à cette mobilisation européenne.

Acta c’est quoi ?
Beaucoup de choses ont été dites sur le projet du traité ACTA, il faut dire que l’étendue des interdictions relatives à Internet, et sa sulfureuse création ont alimenté bien des débats.
Après avoir lu un peu tout et n’importe quoi sur ce projet de loi international, et devant la relative absence d’un dossier complet et à peu près objectif résumant simplement ce qu’est l’ACTA, j’ai décidé de faire le tri dans les informations délivrées et de faire le point sur cette menace mondiale pour les utilisateurs d’Internet.
C’est parti !

Qu’est-ce que l’ACTA ?
L’ACTA (pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement, soit en français Accord Commercial Anti-Contrefaçon) est un traité international concernant les droits de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne les infractions au droit d’auteur sur Internet.
Le but affiché de l’ACTA est d’établir un cadre juridique international que des pays peuvent rejoindre volontairement.
Jusque-là rien de surprenant, il ne me semble pas étonnant que plusieurs pays veulent adopter les mêmes démarches en ce qui concerne le droit d’auteur, surtout dans un contexte de mondialisation hautement favorisé par la démocratisation d’Internet.

L’étrange genèse d’ACTA
Le premier problème qui a été posé par l’ACTA est que sa création a été négociée secrètement durant 3 ans par 39 pays avant que le projet ne soit rendu public.
Les états qui ont contribué à l’élaboration de l’ACTA sont entre autres : l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis, les Etats-Unis, le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et l’Union Européenne.
Des représentants se réunissaient périodiquement en dehors de tout circuit démocratique pour négocier le traité, ce qui avait déjà provoqué un vif mouvement d’indignation lorsque Wikileaks a dévoilé la teneur de l’ACTA et les modalités de sa création en 2008.
Pour résumer : discussion et élaboration du traité d’une manière opaque afin de ne pas informer le grand public, par des représentants d’organismes lobbyistes, et non pas par des personnes élues démocratiquement par les peuples des pays participants.
Nous avons donc des personnes ne représentant pas les intérêts des citoyens, mais ceux d’entreprises privées, qui ont grandement contribué à l’élaboration d’un traité international, contournant le processus démocratique d’élaboration des lois internationales.
On comprend mieux que l’ACTA ait suscité de très vives critiques devant un tel processus de création…

Le contenu de l’ACTA
Malheureusement pour nous, il n’y a pas que sa création opaque qui pose des problèmes : le contenu du traité ACTA est aussi une petite bombe, dans l’esprit des lois Hadopi en France, SOPA et PIPA et CSPA aux USA :
• Les fournisseurs d’accès seront obligés de coopérer
ACTA prévoit que les fournisseurs d’accès à Internet deviendront légalement responsables de ce que leurs clients font sur Internet.
Cela veut dire que si votre FAI ne veut pas avoir des comptes à rendre à la justice, il devra obligatoirement vous censurer et surveiller vos faits et gestes en ligne, de peur que vous osiez faire quelque chose allant à l’encontre de l’ACTA. Je ne vois pas comment ils pourraient faire autrement pour éviter d’être traînés en justice par les ayants droits…
Donc, nos FAI deviendront de véritables policiers / juges privés, capables de bloquer ou faire disparaître n’importe quel contenu estimé contrevenant. Il y a aussi de grandes chances que des technologies libres comme BitTorrent soient interdites car elles encourageraient les téléchargements illégaux.
Je vous laisse imaginer les dérives d’une telle politique…
Ils seront aussi tenus de divulguer vos informations personnelles en cas de demandes par des ayants droits si vous êtes accusé de piratage, sans avoir besoin de l’accord d’un juge. Sur ce dernier point, c’est un peu ce qui est déjà mis en place par Hadopi en France.
• Obligation de sanctionner le contournement des DRM
Vous connaissez les DRM ? Ce sont en gros des dispositifs mis en place pour que vous ne donniez pas à vos amis le nouveau super jeu vidéo / livre / film / musique que vous avez acheté légalement, et accessoirement que vous ne puissiez le lire qu’avec le logiciel / matériel prévus pour (cas des musiques achetées sur iTunes et lisibles uniquement sur appareils ou logiciels Apple).
Puisque les utilisateurs de solutions logicielles libres sont mis de côté par les DRM, des mesures de contournement ont été créées par des passionnés, afin qu’un utilisateur de Linux puisse voir un film en Blu-Ray par exemple.
Et bien ces contournements seront interdits, sans que l’interopérabilité puisse être garantie bien entendu… Ce qui fera que les systèmes d’exploitation commerciaux comme Windows ou Mac OS seront clairement favorisés par l’ACTA, puisqu’ils seront obligatoires pour pouvoir regarder un film, lire une musique achetés dans le commerce. Consommer de la culture numérique vendue dans le commerce vous obligera à passer par un système d’exploitation commercial, ou à pirater les oeuvres, même si vous les avez légalement achetés.
Bien entendu, devant la levée de boucliers qu’a entraîné la publication du projet ACTA, certaines lignes de texte ont été ajoutées pour rendre le traité plus politiquement correct, comme le fait que ces dispositions devront se faire dans le respect « des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, le droit à un procès équitable, et la vie privée » et dans le respect de la concurrence loyale. Des notions bien floues, sans obligation réelle pour limiter les futurs pouvoirs des ayants droits.
Il existe aussi des polémiques se rapportant aux droits sur les brevets, avec des implications dans les médicaments génériques et l’agriculture, notamment OGM. Mais je laisse d’autres personnes connaissant mieux ces sujets en parler.

La récente démission du rapporteur européen de l’ACTA
Le 26 janvier 2012, Kader Arif, député au parlement européen et rapporteur parlementaire principal désigné pour l’ACTA, annonce sa démission.
Replaçons les choses dans leur contexte : un rapporteur est une personne désignée au sein d’une commission d’étude pour analyser un projet de loi.
Le constat de monsieur Arif a été si négatif qu’il a demandé sa démission afin d’alerter au plus vite l’opinion publique. Voici sa déclaration :
Je tiens à dénoncer de la manière la plus vive l’ensemble du processus qui a conduit à la signature de cet accord : non association de la société civile, manque de transparence depuis le début des négociations, reports successifs de la signature du texte sans qu’aucune explication ne soit donnée, mise à l’écart des revendications du Parlement Européen pourtant exprimées dans plusieurs résolutions de notre assemblée.
En tant que rapporteur sur ce texte, j’ai également fait face à des manœuvres inédites de la droite de ce Parlement pour imposer un calendrier accéléré visant à faire passer l’accord au plus vite avant que l’opinion publique ne soit alertée, privant de fait le Parlement européen de son droit d’expression et des outils à sa disposition pour porter les revendications légitimes des citoyens.
Pourtant, et chacun le sait, l’accord ACTA pose problème, qu’il s’agisse de son impact sur les libertés civiles, des responsabilités qu’il fait peser sur les fournisseurs d’accès à internet, des conséquences sur la fabrication de médicaments génériques ou du peu de protection qu’il offre à nos indications géographiques.
Cet accord peut avoir des conséquences majeures sur la vie de nos concitoyens, et pourtant tout est fait pour que le Parlement européen n’ait pas voix au chapitre. Ainsi aujourd’hui, en remettant ce rapport dont j’avais la charge, je souhaite envoyer un signal fort et alerter l’opinion publique sur cette situation inacceptable. Je ne participerai pas à cette mascarade.
Là ce n’est pas un gus dans un garage qui s’insurge, mais le député européen chargé d’analyser le projet de loi qui démissionne tellement il est dégoûté de l’ACTA. Un acte loin d’être anodin…

Signature de l’ACTA effectuée
Le 26 janvier 2012 a aussi été la date de la signature de l’ACTA à Tokyo par de nombreux pays, dont la France.
Nous, en tant que citoyens, avons-nous été concertés à propos de ce traité ? Le gouvernement français a-t-il jugé bon de débattre de ce sujet avec la population ? Bien sûr que non, puisque sa volonté est que le grand public reste ignorant des terribles enjeux qui sont en train de se jouer actuellement, car il est évident que la majorité des citoyens seraient contre un tel traité. La dernière étape pour l’adoption du traité est le passage par le parlement européen d’ici quelques mois.

Que pouvons-nous concrètement faire pour empêcher l’adoption définitive de l’ACTA en Europe ?
Déjà il faut informer, en parler autour de vous, diffuser ces informations en expliquant les enjeux du traité sur les libertés de chacun, et sur leur utilisation d’Internet. Plus l’opinion publique sera au courant, plus cette loi aura du mal à passer.
Vous avez aussi la possibilité d’interpeller nos députés européens présents au parlement. Expliquez-leur pourquoi vous jugez bon de ne pas entériner ce projet de loi que vous jugez contraire à vos droits fondamentaux de citoyens.
Une pétition est aussi mise en place pour mobiliser les gens contre l’ACTA.
L’avenir de la démocratie est tout simplement en train de se jouer sur Internet, d’où la précipitation de nombreux gouvernements à vouloir contrôler au mieux les informations qui y transitent.

Vous savez jusqu’où ils sont prêts à aller ? Jusqu’à ce qu’on leur dise STOP, tout simplement! !!